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Préhistoire ancienne

Cours 6 : Les cultures du Paléolithique et du Mésolithique – I : Le Paléolithique inférieur et moyen

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Vers : L'organisation des études en L1 Introduction au Néolithique


 

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Préhistoire ancienne

Cours 6 :

Les cultures du Paléolithique et du Mésolithique – I
Le Paléolithique inférieur et moyen

 

Nous allons maintenant commencer une série de trois cours consacrée aux cultures du Paléolithique et du Mésolithique, afin de vous montrer les vestiges des outillages et des objets que nous ont laissé nos lointains ancêtres.

Et, aujourd’hui, nous allons nous intéresser au Paléolithique inférieur et moyen et envisager les outillages et leur évolution.

Nous allons donc commencer par retourner, une fois de plus, en Afrique de l’Est, région où les vestiges très anciens sont les plus nombreux.

Et nous allons voir deux grandes cultures du Paléolithique inférieur qu’on appelle l’Oldowayen et l’Acheuléen.

Le premier de ces ensembles, a été dénommé l’Oldowayen à partir de la fouille des niveaux anciens de la Gorge d’Olduvai en Tanzanie, dans les années 1950 à 1975.

Ces niveaux anciens étaient datés à environ 1,8 MA et ont permis de découvrir une industrie lithique composée essentiellement de galets aménagés, c'est-à-dire de galets sur lesquels ont a procédé par éclatement à un ou quelques enlèvements de façon à en dégager un tranchant.

Il s’agissait donc là d’une industrie très primitive, qui pendant très longtemps est demeurée la plus ancienne connue.

Mais depuis les dernières décennies, les connaissances ont considérablement progressé.

Comme je vous l’ai dit lors d’un précédent cours, les plus anciens outils incontestables apparaissent, pour le moment assez brusquement, autour de 2,5 MA.

Selon les publications récentes, les plus anciens de ces plus anciens outils ont été trouvés en Ethiopie, sur les sites de Gona au nord du Pays.

Deux sites, délicatement nommés EG-10 et EG-12 ont livré à eux seuls plus de 3000 objets de pierre taillée.

Et ces deux sites sont datés, par la méthode argon/argon et par le paléomagnétisme, assez précisément d’entre 2,6 et 2,5 MA.

Les matériaux qui composent ces premiers outils sont de la trachyte et de la rhyolite, ainsi qu’un peu de basalte, qui proviennent directement d’un conglomérat de galets situé au plus à une centaine de mètres du site en bordure de la rivière voisine.

La proportion de ces matériaux pour la réalisation d’outil semble identique à celle du conglomérat et il n’y a donc pas eu réellement de choix de matériaux pour la réalisation des outils, si ce n’est celui d’un module de galet adapté aux outils souhaités : 60 à 170 mm en l’occurrence.

Alors, ces outils, quels sont-ils ?

Tout d’abord évidemment, il s’agit de galets taillés sur une seule face, appelés dans le jargon des préhistoriens des Choppers.

Il s’agit donc là de taille : c'est-à-dire qu’on procède à des enlèvements en tapant sur le galet avec une autre pierre, dans le but de dégager des arêtes vives sur le galet qui vont constituer un tranchant.

Mais ces tous premiers assemblages lithiques (d’outils de pierre) montrent aussi la présence de débitage.

Le débitage cela consiste toujours à tailler un bloc de pierre mais non dans le but de le transformer lui-même en outil, mais d’en détacher ce qu’on appelle des éclats. Et ce sont ces éclats qui vont servir d’outils ou de supports d’outils.

Le bloc lui-même, dont on va tirer les éclats, est appelé un nucleus.

Cette approche là de la fabrication d’outils dénote sans aucun doute une démarche réfléchie plus complexe, mais qui semble apparaître donc, dès ces plus anciens sites.

Voilà donc à quoi se limite ces premiers outillages et en fait, ils ne vont pas ou peu changer pendant un million d’années jusque vers 1,5 MA.

C’est ce que les spécialistes appellent une stase technologique.

Un certain nombre de sites permettent de mieux connaître ces industries en Afrique orientale dans le million d’années qui suit :

Pour vous donner quelques noms parmi les plus célèbres, retenez ceux des sites de :

- l’Omo,

- Hadar,

- Et Bouri en Ethiopie, ce dernier site étant celui qui a livré des restes australopithecus Ghari associé à des outillages de type oldowayen autour de 2,5 MA.

 

- le site de Lokalalei 1

- le site de Koobi Fora

- et celui de Kanjera, tous trois au Kenya

- Et enfin celui d’Olduvai Gorge en Tanzanie

L’ensemble de ces sites s’échelonnant de 2,5 à 1,7-1,5 MA.

Les différences initialement entrevues entre ces différents assemblages entre un pré-Oldowayen et un Oldowayen classique que vous pouvez voir dans ce tableau de synthèse sont aujourd’hui rejetées en fonction de la présence dès les plus anciens ensembles de ce qui faisait initialement la définition des plus récents.

Ce n’est que autour de 1,5 MA que les choses commencent à changer et qu’on va définir :

- d’un côté un Oldowayen évolué entre 1,5 et 1,3 MA, qui ressemble fort à son prédécesseur en réalité mais qui va parfois montrer la présence de quelques types d’outils plus évolués.

- Et surtout, on va voir apparaître dès 1,4 MA, une nouvelle culture appelée l’Acheuléen.

Alors, cet Acheuléen. Il a tout d’abord été défini en France par Gabriel de Mortillet, en 1872, pour caractériser sur les sites de la vallée de la Somme, dans le nord, une industrie lithique marquée par la présence d’outils particuliers appelés des Bifaces.

Ensembles qui succédaient selon la stratigraphie, aux industries à galets aménagés.

Le terme a été exporté ensuite en Afrique pour caractériser le même genre d’industries à bifaces qui succèdent à l’Oldowayen et initialement reconnues là encore sur le site d’Olduvai Gorge en Tanzanie.

L’Acheuléen va se marquer surtout par la présence de Bifaces donc, ces bifaces sont des outils en forme générale d’amande, aménagés, plus ou moins complètement sur les deux faces, par des enlèvements, pour dégager sur tout le pourtour un tranchant.

Au début de l’Acheuléen, il va s’agir d’objets lourds pouvant atteindre 30 cm de longueur et au tranchant sinueux.

Avec le temps, les bifaces vont s’affiner et réduire en dimensions.

Pendant cette période, les assemblages lithiques comprennent toujours des galets aménagés « à l’ancienne » si j’ose dire, à côté des bifaces.

Mais on va aussi trouver d’autres types d’objets comme les hachereaux.

Les hachereaux sont de grands outils marqués par un tranchant transversal et deux bords retouchés par des enlèvements.

Si l’outillage n’est pas encore très varié, les morphologies vont montrer de notables variantes.

On va trouver aussi de nombreuses variantes de ce qu’on appelle des polyèdres qui sont des objets retouchés sur toutes leurs faces jusqu’à de réelles boules appelées généralement bolas.

Le débitage, c'est-à-dire la fabrication d’éclats évolue lui aussi en même temps qu’il devient plus important. En particulier la taille des éclats va augmenter traduisant une meilleure maîtrise du débitage.

Jusqu’à cette époque, il semble qu’on utilisait uniquement des pierres pour tailler les outils de pierre, ce qu’on va appeler des percuteurs durs et à partir de là apparaissent les percuteurs tendres c'est-à-dire en bois végétal ou animal qui permettent à la fois plus de précision et un débitage différent.

L’Acheuléen africain est divisé en 4 grandes phases qui vont l’amener jusqu’à 200000 ans.

Contrairement à l’Oldowayen, l’Acheuléen est marqué par une histoire plus complexe selon les régions d’Afrique, avec de notables évolutions parfois rapides et des phases de stagnation importante.

Pendant l’Acheuléen moyen, entre 800000 et 600000 ans, la principale innovation technique est l’apparition de ce qu’on appelle le débitage levallois.

Le débitage levallois, il vaut moins par ce qu’on va obtenir qui n’est pas très impressionnant, qu’en raison de sa complexité technique et de la conception particulière qu’il demande :
Il s’agit en fait d’obtenir un éclat de forme prédéterminé, par une préparation particulière du nucleus.
Le nucleus est conçu en deux parties ou surfaces :

- une qui va être aménagée par une première série d’éclats généralement centripètes pour préparer la forme de l’éclat qu’on veut finalement obtenir,

- et l’autre qui va être aménagée de façon particulière pour guider l’onde de fracturation du débitage selon un angle précis permettant d’obtenir une épaisseur et une longueur prédéterminées.

Il s’agit donc d’une technique assez sophistiquée qui témoigne dans tous les cas, à la fois d’une maîtrise technique mais aussi d’une réflexion très élaborée sur le but recherché et les moyens d’y parvenir.

On va commencer dans le même temps à avoir des outils individualisés réalisés sur éclat. C'est-à-dire qu’on ne cherche plus à obtenir uniquement des tranchants qui constituent des sortes d’outils à tout faire, mais qu’on voit se développer des types d’outils à usage unique comme les racloirs, des couteaux retouchés et ce qu’on appelle des coches et des denticulés.

L’autre grande innovation de l’Acheuléen est sans doute le débitage de lames à partir de l’Acheuléen supérieur, il y a quelques 500000 ans.

La lame se différencie de l’éclat uniquement par ses proportions : en fait une lame est un éclat nettement plus long que large (2 fois ou 4 fois selon les nomenclatures puisque tous les spécialistes ne sont pas d’accord entre eux).

Le débitage de lames, on dit débitage laminaire demeure encore peu important dans ces époques et deviendra surtout d’apanage des artisans du Paléolithique supérieur.

La lame traduit surtout la maîtrise du débitage, avec une recherche permanente des éclats les plus longs et les plus fins possibles, qui serviront naturellement de supports pour la réalisation d’outils.

Venons-en maintenant à l’Europe et à la France en particulier pour voir ce qui se passe chez nous pendant ces périodes anciennes.

Entre 1 MA et 750000 ans, on va voir en Europe arriver les premières migrations oldowayennes, comme je vous l’ai dit lors du cours sur les premiers hommes.

Cela se traduit par l’apparition des quelques sites archéologiques qui livrent des industries à galets aménagés en République Tchèque, en Italie, mais aussi en France avec la grotte du Vallonnet dans les Alpes Maritimes, le site de Soleilhac en Haute Loire dont je vous ai parlé la fois dernière et les sites du nord de la France, dans la vallée de la Somme.

L’outillage de galets aménagés apparaît alors comme en Afrique, alors que dans la région d’origine, il a déjà été remplacé par l’Acheuléen.

La diffusion de l’Acheuléen, à la suite de ces premiers mouvements, correspond, je vous l’ai dit, aux migrations d’Homo Ergaster et va donc concerner à la fois une partie de l’Asie, du Proche Orient et de l’Europe.

En Europe, selon les avis des différents spécialistes, l’Acheuléen apparaît autour de 600000 ans parfois 700000.

Il va être le fait d’Homo Ergaster donc, mais aussi de tous ces hommes que les spécialistes, en Europe, considèrent comme des pré-neandertaliens.

Les industries sont comparables à celles d’Afrique, avec le biface comme objet caractéristique, bien que d’autres types d’outils soient aussi présents, avec toujours des galets aménagés, mais aussi des hachereaux, des racloirs, des coches et des denticulés…

En Europe toujours, le silex va rapidement s’imposer comme la matière première par excellence de l’outillage, mais de nombreux autres matériaux seront aussi travaillés, comme des quartz et des quartzite principalement dans les régions pauvres en silex.

L’outillage en os fait une timide apparition mais reste de fait extrêmement rare avec des racloirs et des bifaces réalisés en ossements d’éléphant.

Il semble que l’os soit alors employé comme une matière première, de la même façon que la pierre pour réaliser le même type d’objet, ce ne sera plus du tout le cas au Paléolithique supérieur où l’os sera employé pour ses qualités intrinsèques et pour la réalisation d’un outillage tout à fait particulier.

En Europe comme en Afrique, l’Acheuléen est marqué par diverses évolutions pendant plusieurs centaines de milliers d’années, jusque vers 250000 ans.

A ce moment, une nouvelle culture apparaît et définit ce que l’on va qualifier de Paléolithique moyen.

Cette culture est appelée le Moustérien. Et en Europe, elle va correspondre peu ou prou aux hommes de Neandertal : Homo neandertalensis ou Homo sapiens neandertalensis selon les différentes théories.

Le nom de Moustérien, provient de l’abri du Moustier en Dordogne, qui en est le site éponyme et a été établi encore une fois par Gabriel de Mortillet en 1872.

En réalité les limites chronologiques de cette culture ne sont pas encore bien nettes, car sa définition même a évolué depuis sa découverte.

Initialement, le Paléolithique moyen Moustérien est caractérisé en Europe par le développement et la généralisation du débitage levallois dont nous avons vu qu’on en reconnaît maintenant l’apparition en Afrique bien avant.

Il semble bien que ce concept soit effectivement assez tardif en Europe puisqu’il se développe quelque part entre 300000 et 250000 ans.

Par ailleurs, les industries dites moustériennes, sont encore ancrées, selon les régions, et pendant plusieurs dizaines de milliers d’années, dans les traditions du Paléolithique inférieur.

On parle d’ailleurs assez souvent d’un Moustérien de tradition acheuléenne qui est principalement marqué par la présence encore forte des bifaces.

Dans la suite du temps du Moustérien, l’industrie lithique est plus diversifiée.

On distingue toujours des objets élaborés par façonnage par la taille et des objets élaborés par débitage.

Le débitage est marqué par une variété de modes :

- Le débitage d’éclats non prédéterminés.

- Le débitage levallois qui va devenir très important pour la fabrication d’éclats, de lames et de pointes, avec de nombreuses variantes.

- Le débitage discoïde, qui est une forme simplifiée du débitage levallois sur des matériaux moins aptes à la taille que le silex.

- Et un débitage laminaire qui prolonge celui de la période précédente sans atteindre ni la technicité ni l’importance de celui du Paléolithique supérieur.

L’outillage est abondant et traduit une spécialisation des outils en même temps qu’une diversité d’activités : avec le travail des peaux, du bois, de la viande…
L’outillage comprend des objets à tranchants bruts bien sûr mais aussi beaucoup d’objets transformés par retouches, c'est-à-dire de petits enlèvements dans le but de leur donner une forme précise.

Cet outillage est dominé par les racloirs qui se déclinent en de nombreuses variantes. Ceux-ci servent surtout à décharner puis à travailler les peaux selon les modèles.
Le groupe des encoches et des denticulés complète cette gamme d’outils principaux.

D’autres outils, déjà mentionnés, sont aussi présents comme les bolas, des boules de pierre travaillées

Les pointes débitées par la technique levallois pourraient être des armes comme un témoigne au moins un cas d’ossement de grand herbivore dans lequel on a retrouvé une pointe fichée.

Ce qui va aussi caractériser l’industrie de pierre du Moustérien, c’est l’approvisionnement en matière première.

La recherche de silex de bonne qualité semble être une préoccupation de l’époque et il n’est pas rare que les hommes aient parcouru des distances relativement importantes pour leur approvisionnement. Mais ces distances demeurent en-deçà de 100 km généralement.

Concernant les autres matières premières, les connaissances sont inégales.

Il semble que parfois des coquillages aient remplacé la pierre pour la réalisation d’outils plus souvent réalisés sur silex, comme certains racloirs.

L’os ne semble pas plus utilisé qu’aux périodes antérieures, c'est-à-dire que quelques objets sont connus mais demeurent très rares.

De même, il n’existe aucun objet réalisé en bois de cervidés, bien qu’on connaisse sur certains sites des accumulations de bois qui ne semble pas avoir retenu l’attention des moustériens.

Le bois végétal devait en revanche être très utilisé. Evidemment celui-ci ne se conserve pas, comme je vous l’ai dit à plusieurs reprises, mais le travail du bois est cependant attesté par les microtraces que celui-ci laisse sur les outils de silex qui ont été utilisés.

On connaît cependant quelques rares objets en bois conservés dans des conditions exceptionnelles, comme un épieu, une lance effilée, et des petites pelles…

Jusqu’à la fin du Paléolithique moyen, avec le développement de la culture du Châtelperronien qui est probablement une culture encore produite par des hommes de Neandertal mais dans un contexte où les hommes modernes, sapiens sapiens, sont déjà présents en Europe avec leur culture : l’Aurignacien, la culture matérielle ne va que peu évoluer.

Evidemment, au sein du Moustérien, il existe des spécificités régionales et des évolutions, mais dans l’ensemble l’outillage dont il était question ici demeure identique.

Si des évolutions apparaissent, elles se trouvent plutôt dans le domaine de la maîtrise du feu, dans les formes de l’habitat et dans le domaine funéraire que nous traiterons dans le cadre d’autres cours thématiques d’ici la fin de ce semestre.

Mais donc concernant les outillages, peu de grandes évolutions pendant toute cette période, ce qui va s’opposer à l’extraordinaire diversité des outillages que nous verrons se développer dès le début du Paléolithique supérieur.

Par ailleurs, pendant tout le Paléolithique ancien et moyen, on observe l’absence des éléments de parures, comme celle de l’art d’ailleurs, à part peut-être quelques rares éléments d’art mobilier encore discutés à la fin du Paléolithique moyen. Nous verrons cela dans un autre cours thématique sur l’art.

La semaine prochaine, nous verrons les industries des cultures du Paléolithique supérieur.

Indications bibliographiques :

DE BEAUNE S., 2008 – L’homme et l’outil. L’invention technique durant la Préhistoire, Paris : CNRS, 2008, 166 p.

JAUBERT J., 1999 – Chasseurs et artisans du Moustérien, Paris : La maison des roches, 1999, 157 p., (Histoire de la France préhistorique).

OTTE M., 1996 – Le paléolithique inférieur et moyen en Europe, Paris : Armand Colin, 1996, 360 p. (Collection U) 

PICQ P., ROCHE H. (2004) – Les origines de la culture : Les premiers outils. Paris : Editions le Pommier, 2004, 127 p. (Le collège de la Cité).

PIEL-DESRUISSEAU J.L., 2002 – Outils préhistoriques. Formes, fabrication, utilisation, Paris : Dunod, 2002, 320 p. (4e édition).

TUFFREAU A., 2004 – L’Acheuléen, Paris : La maison des roches, 2004, 125 p., (Histoire de la France préhistorique).

Cours au format PDF téléchargeable et imprimable

 

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